Voilà quelques jours que j’étais revenu à Suna avec Dahlia & Nora. Nous n’eûmes pas le choix, les événements étaient tels qu’il fallait tourner la page, du moins essayer. Aussi maudit soit le Bataillon Noir, l’acte de nos Némésis suffirent pour m’anéantir. Je n’étais pas mort physiquement, mais moralement il était clair que je n’étais qu’une carcasse vide, résonnante, ponctué un effroyable écho. Mais je n’avais pas perdu mon but de vue, oh non. Loin de là était l’idée d’abandonner ce que j’avais commencé à entreprendre dés mon plus jeune âge. Je n’avais pas l’envie de laisser derrière moi tout ça. Ce pourquoi une fois revenu au village caché de Suna, j’eus l’idée de créer une seconde voix à mon but. Quelle était donc cette voie aussi longue à traverser soit-elle ? Il me fallait un héritage. Oh, oui j’en avais déjà un par le sang. Mais il m’en fallait un par mes connaissances. Je devais à mon tour transmettre ce que je savais. Mes préceptes devaient être légués à présent, au cas où il m’arriverait malheur, je voudrais qu’une personne pensant comme moi finisse par prendre le flambeau. J’assurai mes arrières mais l’ambition de répandre la paix était devenu une véritable obsession que je voulais en faire... «profiter» tout le monde. Qui n’a jamais rêver d’atteindre ce but pouvant être utopique ? Pas vous ? Parce que de mon point de vue, rien n’est utopique. Avec le système mis en place depuis des années il était clair que tout pouvait être ... concret. Mais je compte surtout sur les bases et principes moraux que Mifune-sama & Sandaime-sama m’ont transmis durant toute ma formation.

Il était clair qu’aujourd’hui j’allais prendre cette décision. Il était clair qu’aujourd’hui, cette Genin allait pouvoir enfin voir ses rêves se réaliser. Du moins, j’allais pouvoir faire une heureuse, me disais-je. Son dossier avait été assez tragique et je devais avouer que je réussissais à transposer les événements de sa vie dans ma tête. J’imageais chaque scène tragiques, comprenant la douleur morale qu’elle avait dû encaisser et devait encore encaisser aujourd’hui. Après tout, chaque membre du Byakurentaï, moi inclu, avaient connu la même douleur. Il était sûrement dans mon devoir d’appliquer sur cette fille ce que Mifune a appliqué sur moi-même lors de la mort de Mehlia. Bannir la vengeance de son état de penser, lui faire partager mon idéal de paix, lui transmettre les valeurs shinobi & samouraï. Lui apprendre à se défendre toujours de mieux en mieux. C’était ça être un maître, et je savais que prendre la décision d’enseigner à une personne signifiait avoir énormément de responsabilités. Peut-être que Mifune-sama avait le même ressenti que moi présentement à l’époque où il a accepté de tout m’apprendre sous son égide. Prenant une grande inspiration, mon regard perça un peu plus l’académie, j’étais prêt à rencontrer cette fille en ce jour dit... spécial pour les aspirants de Suna.

Mes pas sur le sol étaient silencieux, presque imperceptibles. Je n’avais pas pris la peine de prendre mon grand kimono; non cela n’était pas nécessaire. Mon simple kimono noir était tout à fait suffisant. L’écharpe blanche virevoltait grâce à la brise qui traversait le village avec une douceur rare. Sous mon bras se tenait le dossier de Suzuki Saphir, cette fille dont le passé avait aiguisé mon intérêt. Bien entendu, ce n’était pas le seul critère sur lequel je me basais si je la prenais sous mon aile. Je lui expliquerai cela en temps et en heure, jusque là j’observais discrètement les aspirants passer leurs examens afin de devenir Genin. Un Chuunin m’apostropha avec respect, lui rendant le salue il n’hésita pas à faire une éloge de celle qui passait actuellement: Saphir. Je l’approuvai de bref signes de la tête avant de constater qu’on la fit changer de salle. C’était à moi de passer à la suite, lui annoncer la nouvelle. J’emboîtai le pas doucement dans la salle où elle se trouvait et son regard n’en fut pas moins... étonné ? admiratif, quand je fis mon entrée.Cette dernière me salua avec un profond respect, ce qui me décrocha une sorte de... sentiment réconfortant en moi. «Sois rassurée, loin de là est l’idée de t’annoncer une mauvaise nouvelle quant à ma présence ici.» Poser les bases était déjà quelque chose de compliquer quand notre interlocutrice ici, semblait perdre ses moyens face à moi. Mais je voulais qu’elle prenne de la confiance. Ce n’est pas comme si j’allais lui faire du mal ou lui annoncer une mauvaise nouvelle. «Je tenais déjà à te féliciter pour tes performances. De ta promotion, tu as obtenu les meilleurs résultats. Tes compétences sont telles que ton maître a déjà été choisi. C’est moi.»

Cette paix que je n’atteignais que par le bout de mes doigts, je n’arrivais pas à la saisir complètement au creux de ma main. Nous devions nous faire pousser des ailes pour être sûrs de l’atteindre, telle la colombe. Par sa place et sa fonction dans de nombreux récits, son symbolisme ne pouvait être contesté, émanant de sa grande majesté un sentiment de paix et de douceur. Ce monde avait bien besoin de s’endormir paisiblement, les futures générations à venir devaient connaitre ce monde dans un contexte où les combats auraient été étouffés par les préceptes d’une morale favorisant le pacifisme. Mais il est clair que penser comme cela relèverait de l’utopie, car tant que le système ninja sera en place... la paix ne pourra que rester en dehors de notre portée. C’est pour ça qu’il y avait des personnes comme moi et Jiraiya, travaillant sur les préceptes, étudier toutes les voix morales possible afin d’approcher ce qui se révèle être notre but. Que de pensées dans mon esprit, des questions auxquelles je restais encore sans réponses. Mais après tout, un idéal de la paix devait se forger petit à petit. Les chances que je meurs avant d’avoir trouvé la réponse, qui changerait le monde, étaient grandes. Ce pourquoi j’avais décidé qu’une personne recevrait la totalité de mon savoir, laissant le ou la future apprentie deviner qu’elles ont été mes intentions à son égard. Loin de là était l’idée de lui enseigner que des techniques de Ninjutsu ou autre arts ninjas... Certes, il y aurait un peu de ça, mais j’avais surtout l’intention de faire suivre à ce ou cette élue le passage que j’ai emprunté jadis. Et cette élue je l’avais trouvé, je ne m’étais pas fait prier pour mener ma petite enquête sur cette dernière, son passé m’éclatant au visage de plein fouet, cette personne était toute désignée pour être mon héritière par le savoir. Saphir Suzuki.

Il ne fallait pas penser que j’avais eu pitié de cette jeune fille. Oh non. Je me retrouvais en elle, bien que ses sentiments actuels je ne les ai ressenti que bien plus tard... Douloureux souvenir, je dois te chasser mais tu ne fais qu’envenimer mes façons d’être. Un jour peut-être. Le ton sur lequel elle venait de m’adresser la nouvelle Genin était neutre, elle était encore marquée par la disparition de sa famille. Il y avait de quoi se montrer impassible, moi-même j’en étais encore à ce stade là bien que la seule page que j’ai pu tourner depuis la mort de Mehlia fut celle de la vengeance... Ma femme défunte en revanche, elle continuait «d’hanter» mes pensées, comme un esprit tourmenteur généré à partir de ma culpabilité. Oh il était hors de question que j’y pense, même si cela allait être assez difficile. Je n’avais rien montré sur mon visage montrant le fait que j’étais dérangé par mes pensées. A sa question, je lui répondis le plus simplement du monde, n’hésitant pas à faire une éloge de ses compétences: «Tu es ma seule élève. Tu seras entraînée, aussi bien mentalement que physiquement.» Elle devait savoir alors que j’avais sûrement quelque chose derrière la tête. Mais quoi ? Elle ne devait pas s’en douter, mais moi je savais exactement ce que j’attendais d’elle. Elle allait devoir deviner quelle était mon intention à son égard, et ce, au fil des années. Tel serait mon rôle de maître, je ferai en sorte de lui transmettre tout ce que je sais afin qu’elle reprenne le flambeau s’il devait m’arriver quelque chose.

Je n’avais pas forcément l’envie de penser à la mort qui pouvait me guetter à tout moment, mais je préférais ne pas mourir ou finir dans un profond coma en sachant mon oeuvre inachevée. Plus je regardais cette Saphir et plus je replongeai une vingtaine d’années en arrière. Je discernai sa détermination dans son regard, je pouvais voir que e n’aurai pas à regretter mon choix. J’attendais énormément d’elle, d’innombrables efforts, une volonté de fer ainsi qu’une assurance adoptée sous mes ordres. Je pense que ça, elle peut le deviner facilement, car lorsqu'un ninja légendaire décide de prendre une élève sous son aile, c’est qu’il a forcément quelque chose de prévu pour faire de son élève un futur élément majeur de l’histoire de son village. En tout cas, c’est comme cela que je raisonnai, on ne choisi pas ses «héritiers» dans la foulée. J’observai cependant une sorte de gêne qui commençait à paraître sur Saphir. Son état semblait s’empirer de plus, mon regard ne changeait pas lui, mais je me demandais bien ce qui l’amenait à réagir comme ça. Un léger malaise se forma au niveau de mon estomac. Je la voyais trembler alors qu’elle s’était tournée, sûrement pour m’épargner sa tristesse. Mais plus fort que moi, ma main se tendit jusqu’à son épaule, un poids réconfortant reposait désormais sur son épaule: «Avec moi, ne caches pas ton malaise. Ne retiens pas tes larmes car ce sont ces dernières qui te donneront la force de sourire. J’ai lu ton cas dans les archives du village, et sachees que je saurai remédier à cela. Fais moi juste confiance, je peux compter sur toi Saphir ?»

Cette enfant aura du mal à cicatriser. Mais si elle va de l’avant, il n’y a aucunes raisons qu’elle ressente encore cette haine. Si Mifune-sama n’avait pas été là le jour de la mort de Mehlia, s’il n’avait jamais été mon maître... j’aurais sombré dans la vengeance en réclamant la vie de ceux qui m’ont enlevé mon unique bonheur. Et au bout de tout ça ? Une fois tués, qu’est ce qui m’aurait été apporté ? Une pseudo-satisfaction mais dans tous les cas... elle ne serait jamais revenu à la vie. Donc tout cela n’aurait servi à rien, ce pourquoi j’ai banni cet état de pensée de mon être, me servant de la tristesse comme tremplin pour mon but qu’est de trouver un idéal de paix. Et cette Saphir Suzuki, elle qui a perdu encore plus de proches, je pouvais comprendre ce qui la motiver à devenir kunoichi. Mais si je la prend sous mon aile, je comptais bien sûr éradiquer en elle toutes traces de cette état de penser. Manifester la colère était un état de survie, je pouvais bien le comprendre. Tous les êtres humains la partagent, mais tous ne l’expriment pas de la même façon. D’autres l’étouffent pour ne pas la ressentir et sombrent dans la vengeance. Et cette colère ressenti germe, et traduit l’agressivité.

Cette agressivité que l’on qualifie de saine, est considérée comme un outil indispensable pour vivre. Du moins pour les vengeurs, estimant qu’ils peuvent se défendre et agir pour la cause des mémoires perdues. Pour moi, avoir renoncé à cela c’était clairement prendre conscience que j’aurai pu devenir un être bien pire que celui que je suis aujourd’hui... Si mon maître n’avait pas été présent cette agressivité serait devenu une pulsion vitale en moi... Un véritable besoin. Mais j’ai su me limiter à la colère, l’étouffant petit à petit pour avancer et ne plus jamais y faire face. Je me faisais une idée des conséquences que cela pouvait engendrer, et c’est pour ça que je refuse qu’une personne si talentueuse comme Saphir ne sombre dans les méandres mélancoliques et tristes de la vengeance. Son talent était tel que je savais qu’elle pourrait devenir celle qui lèverait le glaive de la justice, le flambeau, mon flambeau..

Le poids que représentait ma main sur son épaule devait lui procurer réconfort et confiance. Du moins, cela devait être souligné grâce au ton que je pris. Je ne voulais pas la blâmer ou quoi que ce soit. Je fus néanmoins surpris par la réaction qu’elle eut à mon égard. A peine eus-je finis ma phrase qu’elle finit par se serrer contre moi. Son visage voilé par mon kimono. Sur le moment, mes mains se firent hésitantes et tremblantes, mais je devais la rassurer. C’était mon rôle de maître de la mettre en confiance. Je refermai une étreinte encore incertaine sur la Genin, l’assurance s’accumulait mais que légèrement. «Je n’en doute pas.» Le ton était compatissant bien qu’un peu sec, nous pouvions discerner le fait que je ne restais pas non plus indifférent. Je lui tapotai le dos, prenant mon courage à deux mains. Elle devait se ressaisir désormais, je voulais qu’elle manifeste sa détermination. Qu’elle soit fière d’elle, je voulais être aussi fier d’elle, c’est un fait. Je remarquai alors que son attention s’aiguisa au niveau de ma taille, le port du sabre sûrement. Je me suis décollé légèrement de la jeune fille pour ensuite dégainer doucement l’arme. Portant le sabre devant elle je finis par prononcer: «Je t’apprendrai à t’en servir. L’art du sabre comprend une phase théorique, où tu vas devoir assimiler les préceptes que je t’enseignerai. Tu ne devras pas désobéir, sauf si ton point de vue est justifié. Je... j’ai un projet pour toi, que je veux que tu finisses par deviner au fil du temps. Sauras-tu te montrer à la hauteur ?»