La Beauté est une courte tyrannie

Ce jour-ci, il se situait au pays du Thé. Nation tranquille, sans problèmes apparents. Du moins, sauf quand Toshi avait décidé d’y élire domicile. Le propriétaire des lieux en lesquels il se situait – une cabane de pêcheur plutôt chaleureuse et spacieuse – n’avait pas été difficile à convaincre, en témoigne le kunaï planté sous sa pomme d’Adam. Puisqu’il faut justifier tout acte, disons simplement que l’endroit où elle se situait était à la fois plaisant à regarder et à proximité de la destination qu’il s’était fixée : le pays du Feu. En 38 ans d’existence, il n’avait eu que très rarement l’occasion d’y mettre les pieds, à savoir lors d’une ou deux missions au maximum, durant lesquelles il s’était fait un malin plaisir à tuer des déserteurs du village de Suna qu’il fallait ramener « Mort ou Vif ». Inutile de le préciser, il avait choisi la mort, c’est tellement plus distrayant.

Mais ne tergiversons point. S’il allait à Konoha, c’était pour une unique raison : il avait sorti la carte qu’il tenait toujours sur lui, et avait tiré la dite destination au hasard. Rien de bien rocambolesque, ni atypique, à vrai dire, mais là était le mode de vie de l’ancien Sunajin. Plutôt que d’être comme ces foules d’être misérables qui gèrent leur vie avec un agenda, sous les ordres d’un supérieur ou de quelconque système, Toshishiro était un électron libre. Plus que tout, il aimait ce mode de vie. Il aimait n’avoir rien d’autre à penser qu’à sa propre figure, il aimait agir comme il le voulait, et avoir la capacité de tuer toute personne essayant de lui résister. Si nous venons à reparler de Konoha, il ignorait s’il en avait déjà tué un Shinobi qui s’était aventuré trop loin de son pays natal et qui avait eu la malchance de croiser sa route, ou même s’il avait un mandat en son nom dans quelconque cité du pays du feu. Cela aurait été fort étonnant, à vrai dire, car même s’il signait de son nom le cadavre de chacune de ses victimes – je vous laisse deviner l’encre utilisée –, peu de personnes connaissaient son visage, sauf au village de Suna, son village natal. Mais il était fort peu probable que l’information ait circulé, et quand bien même elle l’aurait été, l’âge avait légèrement modifié les traits de Toshi en 15 ans de désertion.

A son grand désarroi, sa sombre notoriété n’avait d’effet qu’à Suna. Il aimait par-dessus tout aspirer la crainte dans le regard des hommes, le respect par la force, et jouissait d’un plaisir absolu lorsqu’une victime le suppliait à genou de l’épargner. Il ne retrouvait ces sensations qu’en passant à l’acte, et le cadavre frais gisant à ses pieds portait encore en son chef les marques de l’effroi, et de la terreur. L’ex-Sunajin en aurait bien fait un trophée de guerre s’il n’était pas si nomade. Mais pour l’instant, il se contenta de le laisser là, le sang encore chaud trainant en abondance au pied du lit du vieil homme. C’est d’ailleurs sur ce même lit que Toshi décida de piquer un somme avant d’entamer la courte route qui le sépare du pays du feu. Sa curiosité envers les Shinobis de celui-ci s’accroissait au fil du temps passé au sein du pays du Thé, et c’est pourquoi il entreprit le chemin dès le lendemain.

C’est dans une épaisse forêt que son voyage reprit. Il n’avait jamais rien vu de tel, mais n’était pas impressionné le moins du monde. Ce n’est certainement pas dans les dunes qui ont bercé les 20 premières années de sa vie qu’il aurait pu apercevoir ce genre de hauts arbres, ni même dans les deux missions où il s’en était arrêté aux bords. Voir ce spectacle de l’intérieur était quelque chose de nouveau, qui devint vite monotone, puis lassant. Konoha avait en général de bons retours, si l’on s’en tenait aux nombreuses conversations extérieures, en vrai, il ne s’agissait que de piètres bouts de bois et de feuilles. C’est d’ailleurs dans cet enchevêtrement de paysages similaires que Toshishiro divaguait, sans croiser la moindre personne, pas même un simple citoyen.

Bien évidemment, vous vous doutez bien que ces mots auraient été vains sans un dénouement, et vous avez raison. Au bout d’une bonne demi-heure de marche à méditer sur la forme des cailloux arborant le sentier, il aperçut au loin une silhouette, apparemment féminine. Enfin quelque chose qui sort de la banalité, pensait-il. Au fil des mètres, il constata petit à petit l’apparence de la femme qui lui faisait face, sa silhouette révélant des formes généreuses, ses cheveux blonds, son aspect de jeune femme accomplie, jusqu’au petit losange violet ornant son front, qui avait le don de lui octroyer un certain charme supplémentaire. Sans hésiter ni même se douter de l’identité de cette dernière, il engagea naturellement la conversation, arborant son sourire mi taquin, mi hautain

- Belle journée, belle femme, que demander de plus ! On en fait pas des comme ça dans mon pays natal… Vous vous appelez ?

Ignorant tout de la personne en face de lui, elle n’était pour le moment qu’une simple femme très séduisante à ses yeux, et c’est pourquoi il décida d’engager une conversation normale et naturelle plutôt que de jouer à ses jeux criminels inconnus en ce pays, pour le moment. Surtout pas lorsqu'il croisait une femme d'une beauté aussi rare, dans un endroit aussi inattendu.