Rituel Second

Kôga Shirayuki

La chaleur. Voilà ce qui décrivait le mieux la journée. Aujourd’hui il avait fait vraiment très chaud. C’était de plus surprenant pour la saison. On se serait cru en été. Enfermé dans mes bureaux j’avais failli crever tellement je brûlais. D’un autre côté, le fait que mes cellules ne soient pas climatisées avait eu un effet des plus intéressants sur mes captifs. L’un d’eux avait même fini par craquer. Rien de plus compréhensible. Déjà deux jours sans boire, et une semaine sans avaler quoique ce soit. Le bougre avait été sur le point de faire le grand voyage. Enfin, je n’aurais bien sûr jamais laissé faire. Néanmoins, il le pensait, et là était le plus important. Mon travail avec lui terminé, je venais de procéder à mon rituel. Comme son traitement avait été des plis gentillets, mon châtiment ne fut pas bien grave. Me refusant à user de mes techniques médicales pour cela, je pansais les coupures de mon bras droit avec des bandages. Je devais après tout digérer la souffrance de ma punition. Non pas m’en débarrasser aussi rapidement, c’était là le travail de mon corps. Ceci fait, je me contentais de remettre mon kimono. Mes pas me menèrent ensuite à la chambre des renards. J’ouvrais à peine la porte qu’Aokitsune me bondit dessus. Bien que prit de court, je parvenais à l’attraper au vol. Mes doigts partirent lui gratter les oreilles. Lui arrachant des gémissements de plaisir. Sans pour autant le lâcher, je partis me servir un verre d’eau. Voyant la mine déconfite de mes renards. Je cédais, et leur donnait une grande gamelle d’eau fraîche. Après tout eux aussi subissaient les affres de la chaleur. Nous étions tous les cinq natifs du pays du Fer. Aussi nous étions particulièrement sensibles aux grandes températures. Même si le temps nous permit de nous y habituer. Lorsque le mercure monte ainsi, cette faiblesse se fait sentir. Je lâchais Aokitsune, qui partit de suite se désaltérer. Afin de soulager un peu plus mes petits chéris, je rejoignais la salle de bain. De ma main droite, je bloquais le fond, et de la gauche, je commençais à faire couler l’eau. Ni chaude, ni froide, mais tiède. Je m’asseyais, patient. Attendant que le niveau de l’eau monte. Une seconde, deux secondes, trois secondes....dix secondes... Quoi ? Toujours pas ?!? Mais bordel ça va bientôt finir cette connerie, j’ai pas que ça à faire ! Considérant avoir assez attendu, d’un bond je me levais. D’un geste sec je fis voler ma brosse à dent et mon savon, posés non loin. Mon calme revint de suite. Soupirant longuement, j’attendais difficilement. Une fois le niveau acceptable, je stoppais le débit d’eau. Claquant dans mes mains pour signifier que tout était prêt, je vis surgir Akakitsune. Il fonçait tel le vent et sauta dans le bain comme un dément. La conséquence fut logique. Une bourrasque d’eau me revint directement sur la poire. J'affichais un air blasé, avant de sortir de la salle, pendant que mes autre chéris y entraient. Ce bain leur ferait le plus grand bien.


Avant de prendre un peu de repos, il me restait quelque chose à faire. D’une importance capitale. Comme j’allais sortir, je partis chercher mon masque. Avec soin, il prit place sur mon visage. Toutefois, je ne pris pas la peine, ni de remettre mon armure, ni de prendre mon sabre. Je n’en aurais nul besoin pour réaliser cette tâche. Toujours mouillé, je sortais de mon appartement sans prendre la peine de fermer. Que quelqu’un vienne donc. je lui souhaitais bien du plaisir face à mes quatre petits renards adorés... Une fois dans la rue, je pris la direction du quartier marchand. Je marchais d’un pas décidé, mais lent. Chaque fois qu’une personne regardait dans ma direction, je regardais vers la sienne. Plongeant mon regard dans le sien. La plupart tournaient vite la tête. Feignant n’avoir rien vu. Dans ce quartier j’étais connu. Enfin, pour ainsi dire, je l’étais dans tout le village. Et à l’instar de ma réputation au sein du village, les gens ici ne me voyaient pas d’un bon oeil. Pour deux raisons: mon masque et mon travail. Les deux choses sont compréhensibles. Je comprend. J’arrive à les comprendre. Néanmoins, je leurs en veux. Par mon rôle au sein du village j’ai déjà pu protéger l’intégrité de tout ce beau monde plusieurs fois. Alors pourquoi ? Pourquoi ne m’en remercient-ils pas ? A leurs yeux, je ne suis qu’un monstre qui torture les gens. Qui plus est une personne sadique et cruelle. Tout cela est on ne peut plus faux. Je le sais bien. Mais pour autant ma peine reste entière.


Arrivant enfin à destination, j’observais la bâtisse. C’était une petite maison rouge. Plusieurs cheminées crachaient de la fumée. On voyait bien que l’endroit avait déjà bien vécu. J’approchais de la porte d’entrée en bois. Ma main se posa sur la poignet. Après l’avoir fait pivoté, j’entrais. Instantanément, une doux fumet vint titiller mes narines. J’adorais cette odeur. je ne m’en étais toujours pas lassé. Après tout comme le pourrais-je un jour ? C’était bien trop agréable pour que ça n’arrive. J’avançais d’un pas, d’un second, puis enfin d’un troisième. Respectant une des règles de bienséances les plus élémentaires, je pris place dans la queue. Devant moi trois personnes. Vraisemblablement, je n’étais pas seul à venir faire cela à cette heure tardive. Après tout, l’endroit allait bientôt fermer. peut être même serais-je le dernier client. Sous mon masque, j’arborais un air ravi. Je frémissais de joie à l’idée de ce que j’allais m’offrir prochainement. Mon second petit rituel quotidien. Pour rien ne monde je l’oublierais. Mon impatience ne pouvait rien contre moi. Patiemment, j’attendais mon tour. Quand il vint, j’effectuais un salut de la tête. La jeune femme me fit un grand sourire et pencha la tête sur le côté.

«Kôga-san, je suis heureuse de vous revoir. Quelle chaleur aujourd’hui, pfiou, c’est incroyable. Vous désirez la même chose que d’habitude ?»

J’opinais du chef, en fixant la jeune femme de mon plus gentil regard. C’était une des très rares personnes qui m’appréciaient. Même si je peux les compter sur les doigts de la main. Je sortis un billet de ma sacoche. Je lui tendais alors. Nos doigts s’effleurèrent, ce qui lui arracha à nouveau un sourire. Elle tendit alors un sac. Je m’en emparais, effectuais un nouveau salut, avant de ressortir. La tentation était grande. je risquais de succomber à ce que portais. Pour cette raison je m’empressais de retourner à mon domicile. Courant presque. Après avoir pénétré dans l’immeuble, je sautais les marches trois par trois. En une minute, je me retrouvais face à la porte de mon appartement. Pénétrant tel une dément, je retirais en vitesse mon masque, que je posais sur la commode. Pendant que de mon talon je refermais la porte. Le visage en sueur, je posais le sac sur la table à manger. Me baissant, j’ouvrais le frigo et y prenait le beurre. Suite à quoi je m’emparais d’un couteau. Je posais tout cela sur la table, m’asseyais et ouvrait le sac en plastique. Alors que je m’apprêtais à débuter, Pinkukitsune bondit sur la table. Il me regarda un instant, et se mit à rire. Perplexe, je lui intimait du regard de me dire ce qu’il trouvait drôle. L’air malicieux il prit la parole.

«C’est dingue, tu torture des gens. La plupart des villageois te détestent. Et toi tu te mets dans tous tes états juste pour cela. Regarde comme tu transpire. Kôga, c’est juste des tartines de pain avec du beurre ce que tu as là. Tu pourrais relativiser quand même....»