Qu'il était dur, parfois, d'etre une légende. D'etre un homme sans attache définitive, sans grade défini, sans fonction propre pour son village. D'avoir autant de classe et de puissance que de renommée dans ce monde. Peu de gens en font les frais, mais ceux-là ignorent bien souvent ce à quoi ils échappent. Evidemment, il ne s'agit pas de l'argent en poche, ni du respect et de la crainte engendrés chez les autres, non. Tout ceci sont des plus accueillis dans tous les cas par les légendes en question. Ce à quoi les shinobi ordinaires de ce monde échappent en restant incognito, c'est l'ennui. Et de l'ennui, notre cher Jiraiya en avait à revendre. Principalement ce jour-là.

Akatsuki et Naruto Uzumaki. Tels sont les deux noms des sujets principaux d'occupation de notre Sannin bien aimé. La traque de l'organisation criminelle d'un coté, l'entrainement et la protection à distance du Jinchuriki de Konoha de l'autre. Bien que ces deux sujets fussent étroitement liés, cela va de soi, l'un cherchant à s'accaparer la puissance de l'autre, et l'autre cherchant à se débarrasser du premier avant. Cependant, en cette belle mais fraiche journée de début d'hiver au village de la feuille, le plus pervers des ermites ignorait parfaitement comment s'occuper. Il s'était levé aux aurores, du bon pied et d'excellente humeur, avec une vigueur digne de celle qui l'animait lors de ses vingt ans. En quittant le lit de son hotel préféré pour se mettre sur ses deux pieds, il se sentait comme capable de soulever une planète, de battre Gai en course libre, ou bien encore de dénicher en une matinée Akatsuki et de les mettre hors d'état de nuire comme un gamin anéantit sans vergogne une fourmilière. Il s'était alors empressé de prendre un rapide petit-déjeuner loin d'etre copieux, et, pour souligner le début de cette bonne journée, avait laissé un bon pourboire pour le service de l'hotel en quittant le batiment après avoir flaner quelques temps.

Toutefois, la réalité lui était retombée dessu bien vite, dès l'instant où il avait mis le pied dehors et s'était demandé quoi faire. Car le bonhomme n'avait rien à faire. En ce qui concerne l'organisation de la Lune Rouge, il revenait de plus de deux semaines d'absence, en enquete approfondie non loin du Pays de l'Eau. Ce dernier était prétendument le "berceau" d'Akatsuki, l'endroit où ce groupuscule extremement dangereux aurait vu le jour bien des années plus tot. Ses derniers renseignements avaient conduit l'espion sur ces terres humides, et il en était finalement revenu bredouille après de nombreux jours de questionnements et de fausses pistes. Rien ne laissait présager qu'Akatsuki avait un lien plus ou moins étroit avec le village de Kiri, et le Sannin n'avait pas meme été capable de trouver ne serait-ce qu'une semblant de planque à l'abandon. Suite à quoi il était rentré pour quelques temps au village en vue de se reposer quelque peu, et ne comptait pas repartir aussitot après son retour. Quant à Naruto, son tetu de filleul, il était en mission depuis quelques jours avec sa nouvelle équipe composée de la jolie Sakura, du silencieux et étrange Sai, de leur sensei de toujours Kakashi, et de Yamato, faux nom d'un ANBU du village, résultat d'une expérience réussie d'Orochimaru sur l'ADN du Shodaime Hokage.

L'on pourrait croire alors que le quinquagénaire aurait trouvé de quoi s'occuper les membres et l'esprit, n'est-ce pas ? Après tout, que font les autres ninja supérieurs de son age, dans son cas ? Des missions données par la Godaime - ou son assistante si la limace refuse de voir des gens, ou l'entrainement des jeunes pousses qui ne demandent que cela, que ce soient des gamins de l'Académie, des jeunes Genin fraichement promus, ou bien des Chunin souhaitant passer plus haut dans la hiérarchie. Cependant, Jiraiya n'effectuait jamais aucune mission pour le village. A vrai dire, la seule à laquelle il daignait toucher était celle lui occupant les trois quarts de son temps, officieuse et classée rang S. Et pour ce qui est du fait de faire un saut à l'école ninja ou alors de faire le tour des Jonin sensei pour voir s'il ne pouvait pas aider, le crapaud ne trouvait pas cette idée déplaisante en soi. Malgré cela, l'ermite du Mont Myoboku ne dispensait son savoir légendaire qu'à très peu de jeunes, en lesquels il trouvait des qualités uniques et importantes. Pour les autres cas, il pensait simplement ne pas avoir grand chose de plus à leur apprendre que leurs propres sensei. C'est pourquoi cette idée-ci fut également balayée après seulement cinq pas à sa sortie de son modeste hotel.

Seuls deux autres choix s'offraient à présent à lui. Le premier s'agissait de se replonger dans ses romans de la Série du Batifolage, et donc de reprendre l'écriture et, par extension, les recherches perverses et malsaines. Du voyeurisme en somme, bien qu'il niait inlassablement le contraire. Ce choix semblait bien évidemment le plus alléchant au premier abord, certes, mais malgré sa forme olympique depuis son réveil, Jiraiya ne se voyait pas, de si bonne heure déjà, fuir les coups de balais, coups de parapluies, coups de poings, de pieds, de coudes et de toutes autres parties du corps de ces femmes qui le remarqueraient forcément à un moment donné. Akatsuki était redoutable, à n'en point douter, mais n'était rien comparée à ces furies vengeresses. Il n'était pas encore assez en forme pour tenter le diable. La seule option qui lui restait était donc de rendre visite à l'une de ses vieilles connaissances, quelle qu'elle soit. Dans un premier temps, l'élève du Sandaime pensa à son défunt élève Minato, le Yondaime, et à sa femme Kushina. Il pouvait se rendre sur leurs tombes, chose qu'il n'avait pas fait depuis bien longtemps, et passer du temps avec eux. Après tout, le terme "rendre visite" ne signifie pas forcément "échanger avec la personne". Néanmoins, il se ravisa très vite, préférant attendre un peu avant de s'y rendre. Alors, ce fut un homme discret mais que le Sannin connaissait assez bien qui vint lui vint en tete : Genma Shiranui.

Ce dernier avait été, fut un temps, l'élève de la mère de Naruto ainsi que l'un des disciples du père du blondinet. Un homme posé, de confiance pour tous les Kage l'ayant connu, et que Jiraiya avait toujours su apprécier discrètement. Celui-ci garda cette idée de coté pour plus tard. Pourquoi ne pas se rendre ensemble sur la tombe de leurs proches en commun ? Il se promit d'y songer. Enfin, il se décida donc de procéder à cette petite visite de courtoisie envers son amie et équipière de toujours, Tsunade, aussi Godaime Hokage. D'un air joyeux, il s'était mis en route pour la tour de l'Ombre du Feu, et y avait pénétré quelques minutes plus tard avec un sourire des plus éclatant. Taquiner sa muse à forte poitrine était un loisir qu'il pratiquait à présent depuis exactement quarante quatre ans, et il ne s'en lassait jamais. Ce fut toutefois avec un air particulièrement abattu qu'il en ressortit moins de cinq minutes plus tard, passant à coté du fauteuil vert kaki de Tsunade, que celle-ci venait de défenestrer dans un élan de fureur incontrolé. Le pauvre siège s'était écrasé et brisé, pour la énième fois, aau bas du plus prestigieux batiment du village, évitant de justesse d'écraser une tribu d'élèves en sortie avec trois de leurs sensei.

La Princesse des Limaces n'avait plus de saké en réserve, et était donc sur les nerfs. C'était au final à Jiraiya, son vieil ami, que revenait la délicieuse tache de se rendre dans son magasin d'alcool préféré pour y acheter les nombreux litres qu'elle souhaitait. Ce n'était pas une tache digne de l'un des ninja de la légende, notre héros en avait parfaitement conscience. Mais il avait appris, au cours des années, qu'il ne valait mieux pas contrarier davantage une Tsunade dans cet état de rage. Quoiqu'il en soit, sa bonne humeur et sa fougue retrouvées s'étaient déjà mystérieusement éclipsées. Très vite, il rejoignit le lieu voulu. Non seulement, il savait exactement où Tsunade - ou plutot Shizune encore une fois - achetait son saké, mais il s'agissait également de son magasin de prédilection. Le prix du litre de saké était très satisfaisant pour une qualité non moins honorable. Arrivant au magasin, il y pénétra, se dirigeant immédiatement vers le marchand qui reconnut tout de suite l'un de ses habitués favoris, situé entre les portes du village et son coeur, non loin d'ichiraku.

- Yo ! lança gaiement Jiraiya. Une commande pour la Hokage, elle m'a dit que vous sauriez combien de litres de saké elle souhaite, Konui-san.

- Je vous souhaite le bonjour, Jiraiya-sama ... débuta tristement l'homme d'une quarantaine d'années. Je suis désolé pour Tsunade-sama, mais moi-meme, je n'ai pas encore été livré !

Surpris par cet évènement peu courant, l'alcoolique notoire laissa le marchand expliquer brièvement que le convoi avait quelques heures de retard suite à un problème sur la route, et que la livraison qu'il attendait - dont une bonne partie revenait à la Hokage - n'arriverait pas avant une ou deux heures. Il fallait donc attendre. Jiraiya soupira en quittant le magasin. Tsunade allait littéralement craquer s'il ne revenait pas bientot. Ou s'il revenait les mains vides avec cette excuse de retard de livraison. Peu rassuré par le sort qui l'attendait, l'écrivain alla s'installer contre la façade d'un magasin d'armes à une petite vingtaine de mètres de sa destination. Adossé au mur, il croisa les bras et posa son pied gauche sur la paroi, pret à attendre patiemment le temps qu'il faudrait. Si Tsunade, furax, le retrouvait, elle irait voir le marchand de saké en personne plutot que de passer ses nerfs sur son collègue, et verrait au passage que ce collègue en question prenit sa tache à coeur en attendant sans bouger la livraison. Aussi, cette zone était très peuplée, et sa position lui permettait de reluquer sans vraiment etre pris en considération par ces dames ... Alors soit, attendons, se fit-il intérieurement, les yeux grands ouverts scrutant chacune des jeunes femmes passant par-là.