Keaton est une personne difficile à cerner, incapable de se donner autre chose qu'un rôle pour parfaire son jeu d'acteur pourtant déjà bien fourni par des années de mensonges et d'occultations. C'est en effet un homme qui se veut très secret pour entretenir une part de mysticisme dont il ne se lasse pas, s'amusant de voir parfois les autres tenter de percer son passé ou de le comprendre. Cela est principalement dû à un amour maladif des jeux d'argent, lesquels lui offriront de nombreuses nuits à l'abri d'un pont, chose que de bons samaritains sauront lui éviter maintes fois -moyennant quelques services. On peut également mettre cela au compte de son travail au sein de son village, comme quoi percer les secrets des autres n'aurait eu comme conséquence que le repli de son esprit sur la confiance qu'il peut accorder. L'amitié restera cependant pour lui une relation bien superflue, sans pour autant qu'il ne donne pas d'importance à ce genre de rapports. C'est en effet ce qui lui a permis de s'en sortir, aussi il ne néglige pas la puissance d'une franche camaraderie, bien que ce mot soit pratiquement vide de sens pour lui. Il reste donc sans réelles attaches, bien que plutôt chaleureux en général. A noter cependant que cela peut virer en dissensions en raison de sa conception de la morale et de l'ordre.

Beau parleur et plein d'ironie, il se complaît dans les sous-entendus, les moqueries et les messes basses, sans se soucier de l'opinion publique ou de ce que peuvent bien penser les autres. C'est là sa façon de se faire une place dans ce monde et de pimenter sa vie qu'il trouve déjà bien remplie mais paradoxalement vide... L'ennui est son pire ennemi, ce qui contraste parfaitement avec cette attitude flegmatique qu'il adopte parfois et qui souligne chez lui une tendance à être indécis pour les choses de la vie quotidienne. Il tâchera de s'occuper selon son humeur du moment, bien que la plupart du temps cela se résume à parfaire ses « techniques », glaner çà et là des informations pour ses prochains méfaits... Un passe-temps particulier pour un individu particulier en somme. Par la même occasion, il aime en savoir plus que les autres, aussi bien pour leur montrer qu'en plus d'être un être imbu de lui-même il est particulièrement intelligent, mais aussi pour se pavaner devant ses collègues lorsque la situation le permet. A noter cependant qu'il n'apprécie pas partager son savoir gratuitement, même si c'est « pour la bonne cause ». Lui n'est pas un être débordant de bonté et d'altruisme, désireux d'équilibrer sa balance de karma... Il se perçoit plus comme un gentleman philanthrope à ses heures perdues et mélomane compulsif.

Cette facette de sa personnalité souligne par la même occasion une vanité sans fond ; et bien qu'il sache qu'un noble est une personne « respectable et respectée », il ne partagera sans doutes pas toutes les idées que l'on se fait de lui, se permettant alors de le dénigrer d'une façon ou d'une autre. Ainsi d'après lui son respect ne se gagne qu'en faisant preuve de bravoure devant ses yeux, pas en se vantant d'exploits dont il n'a eu que vent. Il a également une fâcheuse tendance à être égoïste et égocentrique, bien que cela soit plus retenu qu'autre chose, ce afin de ne pas perdre l'estime des autres. Ce n'est pas pour autant qu'il a le cœur sur la main, bien qu'il puisse lui arriver d'être généreux dans ses bons jours. Selon lui, tout travail mérite récompense, aussi il ne fera jamais rien gratuitement, sauf dans des circonstances exceptionnelles, aussi bien une situation qu'une personne.

Ainsi, il lui arrivera de faire des efforts démesurés pour une personne en particulier, mais c'est d'abord un esprit calculateur qu'il faut inculper. En effet, il cherche le profit, intellectuel comme matériel, et tâchera de toujours tourner une situation à son avantage d'une façon ou d'une autre. A ceci s'ajoute l'amusement qu'il pourrait trouver à fréquenter une personne en particulier. Apparaissant à ses yeux comme quelqu'un digne d'intérêt lorsque tout indique le contraire, il sait faire preuve d'un esprit de contradiction à toute épreuve, le rendant à la fois plus humain et lunatique. Il sait cependant que trop s'attirer les foudres de ses supérieurs peut lui être franchement nuisible, aussi il saura rester fidèle à celui qu'il sert -à compter qu'il serve quelqu'un- et il saura se faire violence pour travailler en équipe bien qu'il en ait perdu le goût par ses mesquineries. Encore une séquelle de son enfance un peu trop vide, qui lui a valu d'être distant avec son formateur et certains de ses camarades, sans doute cherchant de nouvelles relations telles que l'amitié ou encore l'amour.

L'amour. Une sensation réchauffante qu'il ne céderait pour rien au monde, pas même toutes les connaissances ou tout l'or que l'on pourrait lui offrir. Un trésor d'une valeur inestimable qu'il garde fidèlement envers et contre tous. Oui, il est très fidèle en amour et saura satisfaire dans tout les sens celle qui possède son cœur. Ceci étant, l'élue est et restera la personne qu'il protégera le plus au monde, aussi s'en prendre à elle est le meilleur moyen de le faire sortir de ses gonds. Auquel cas, l'être chaleureux et flegmatique laissera place à quelqu'un que rien n'arrêtera, froid et sadique au plus haut niveau. Il emploiera tout les moyens possibles et imaginables pour retrouver sa bien aimée et infliger une sévère correction à quiconque portera la main sur elle...

Cette précarité mentale se retrouvera dans quelques situations où il est mis sous une pression intense ou encore impatient tout en redoutant quelque chose. Auquel cas, il risque d'être particulièrement dangereux pour les gens alentours et persuasif si il doit torturer quelqu'un. Dans tout les cas, il n'hésitera pas à employer tout les moyens nécessaires pour parvenir à ses fins, sans doute l'expression infantile de caprices toujours satisfaits. Au niveau de ses relations avec les autres, il est étonnant de voir qu'il sait se montrer humble et courtois quand on le caresse dans le sens du poil. Il sait également faire des efforts pour la gente féminine, sans pour autant qu'il s'emporte et finisse par tromper sa chère et tendre. Il ne fait que preuve d'une galanterie et d'un tact tout particulier, qui sauront faire succomber à son charme bon nombre de ces demoiselles.

Mélomane à ses heures perdues, il sait jouer quelques morceaux de piano et de violon, et saura s'abaisser à faire la manche pour parvenir à ses plus modestes besoins si jamais il est frappé d'une envie soudaine de s'épanouir dans la musique. Chose étonnante, son appendice animal lui aurait octroyé une sainte horreur des bananes, bien qu'il prétende qu'il y soit simplement allergique. A noter qu'il aurait par ailleurs un faible pour les mouvements de balancier, qu'il finirait par regarder fixement sans néanmoins s'en rendre compte. Il lui arrivera ainsi d'arrêter de travailler pour regarder un chat et sa queue, ceci allant jusqu'à adopter les même traits que le félin. Faites également attention à bien le soustraire de toute cuisine, il se prétend assez doué pour enflammer un paquet de céréales avec du lait. A noter cependant qu'il excelle dans la confection des cookies et autres gâteaux au chocolat. Cela trahit par la même occasion un amour fou pour le sucre et les pâtisseries, ce qu'il justifie par le fait que son cerveau tournant à plein régime à longueur de journée, il se doit de l'alimenter constamment. Les autres verront rapidement qu'il est simplement gourmand et ne sait pas se retenir lorsqu'il mange des aliments qu'il aime tout particulièrement. Cet excès d'intempérance reste cependant relatif, on parle d'un gentleman après tout, il se doit de soigner son image !

C'est donc une personne à la personnalité particulièrement complexe à cerner, enclin à des sauts d'humeur tant son cœur expérimente certains sentiments, mais aussi parce que c'est là un moyen pour lui de se sortir de son ennui quotidien. Un ennui qui le ronge chaque jours un peu plus et qui finira par avoir raison de lui si il n'est pas capable de s'occuper un minimum. C'est un combat ardemment mené contre lui-même, mais qui risque de durer une éternité. Et tout le monde le sait, l'éternité c'est long, surtout vers la fin.

Il est difficile de croire que certaines personnes puissent aussi bien échapper aux archétypes préconçus du scientifique obséquieux versé dans ses ouvrages jaunis par le temps et n'ayant pour seul but le progrès, à n'importe quel prix. Il va sans dire que la plupart des collègues du jeune homme n'échappent pas à la règle, mais lui a su se démarquer par son savoir-être et son excentricité grandissante. La première chose que l'on remarquera chez lui, plus que son esprit brillant ou sa fâcheuse tendance à se laisser aller dans l'excès, reste son appendice animal couvert de poils blonds : une queue vestigiale ressemblant à s'y méprendre à celle d'un singe et qui, non sans amuser son heureux propriétaire, est souvent l'objet de scènes cocasses. Il aura en effet tôt fait de vous rappeler que son visage se situe plus haut que sa ceinture, supposant faussement que vous sembliez porter un intérêt tout particulier à ses attributs masculins. Ceci dit, cet appendice reste d'une utilité qui n'est plus à prouver, surtout lorsqu'elle est mise à contribution des façons les plus saugrenues qui soient. Dès lors, ne soyez pas étonnés qu'il l'utilise pour se suspendre à tout va, boire son thé favori ou encore caresser les plus petites parties de son corps avec une sensualité à en exacerber l'érotisme qu'il dégage ainsi.

Niveau corpulence, on peut cependant dire qu'il lui est difficile de sortir du lot. Rattrapé par dame Nature, il jouit d'une petite taille -environ un mètre soixante-treize- pour un poids conséquent. A noter également qu'il ne semble pas être un fanatique de la musculation, bien que ses membres laissés à l'air libre puissent dévoiler un travail minutieux pour obtenir des muscles un temps soit-ils noueux sans sombrer dans l'excès et ternir ses proportions jusque là parfaitement respectées et maîtrisées. A ceci s'ajoute des mains parfaitement manucurées qui, au même titre que cette chevelure blonde trépidante de santé, trahit une coquetterie qui lui vaudra bon nombre de railleries de la part de ses camarades qui remettraient en cause sa virilité, préférant alors ce côté féminin qu'il dégage par sa chétivité apparente. Ce à quoi il répondra le plus souvent par un rire léger et fluet, évitant les épanchements inutiles pour peu qu'ils puissent imposer le respect voire la jalousie.

Sa démarche reste assurée, l'expression d'années passées au sein d'une équipe d'élite de son village. Et bien qu'il puisse arriver qu'il fasse preuve d'une nonchalance toute particulière et déroutante quand on connaît son vrai niveau, il dégage sans cesse une aura de confiance qu'il s'efforce de maintenir pour que tous baignent dedans, se voyant alors octroyés un sursaut de moral salvateur. Cependant, soulignant alors un esprit de contradiction, il lui arrivera de volontairement paraître maladroit, à la fois pour donner des occasions à autrui, mais aussi car il n'apprécie pas ne pas être considéré comme un être à part entière, ses capacités devenant alors un frein à son intégration. Et si il se complaît dans les discours et les pics subrepticement placés, il y a également dans sa façon de faire une grande part de gestuelle qui lui donne une certaine consistance. Mimiques, micro-réactions du faciès, il a su parfaire son jeu d'acteur pour feindre jusqu'à la plus petite expression et inculquer des sentiments par la seule force des mots. Néanmoins, il ne lui arrive pas de passer que des messages d'amour et de paix par sa somatique ; il viendra ainsi parfois à montrer un agacement grandissant si la situation ne lui convient plus, ceci arrivant plus souvent qu'on ne peut l'imaginer. Viennent alors des gestes de désintérêt, des soupirs et autres timbres de voix...

Il lui arrive souvent d'attacher ses cheveux en une rapide queue de cheval, laissant alors les quelques mèches ayant échappé à ses doigts retomber en une multitudes de courbes légères sur son front. Cette longue crinière de blé contraste parfaitement avec des yeux d'un bleu cobalt, lesquels étant particulièrement difficiles à lire. En effet, l'ANBU qu'il est met un point d'honneur à entretenir l'initiative qu'il peut gagner à surprendre, ceci passant par le flou entourant son regard, comme l'ondoiement à la surface d'un étang . Les miroirs de son âme ainsi nébuleux restent mis en avant par des traits particulièrement fins, donnant alors au jeune homme un avantage permettant de mentir sur son âge réel sans qu'il puisse éveiller les soupçons.

Comble de sa coquetterie, l'ANBU dispose de bon nombre de bijoux et autre fioritures parsemant son corps et dont il apprécie le contact. Nous relèverons ainsi quelques bagues aux gravures argentées tracées à même le métal, recouvertes en partie par des mitaines d'un lin d'excellente qualité, une émeraude montée en boucle d'oreille et sertie aux côtés d'une améthyste sans défaut, le tatouage d'un renard sur son omoplate droite, un jeu de ceinture clinquant le bassin de notre homme, contre lequel bat au fil de ses pas le fourreau de cuir d'une arme de facture exceptionnelle. En effet, si Keaton sait s'y prendre pour choisir de quelle façon il fait ostension de son bon goût, il sait également faire fi du manque d'esthétisme des armes et des protections qui vont avec. Ainsi, on verra une paire de plaques de métal venir flanquer quelques unes de ses parties du corps, notamment le dos de ses mains ou encore ses articulations. A ceci s'ajoute une dague à la lame violacée, savant mélange de plusieurs métaux dont le fameux conducteur de chakra. A tout ce barda s'ajoute enfin une poignée de parchemins dans lesquels il aurait scellé bon nombre d'objets de la vie quotidienne...

Finalement, nous n'oublierons pas de parler que toute cette profusion de biens et de richesses au quotidien n'est là que par son afféterie. En réalité, ses manières cauteleuses dissimulent un pendentif qu'il se garde de montrer aux yeux avides de ses compagnons, une breloque sans grande valeur monétaire, mais disposant d'une importance sentimentale hors de prix aux yeux du blondin à la queue de singe...

Avez-vous déjà senti cette sensation qu'un monde nouveau s'ouvrait à vous, que dans ce kaléidoscope de sentiments et de couleurs, une place vous attendait, quelque part, dans le seul et unique but que vous l'occupiez ? Non pas parce que vous l'aviez choisie, mais plus parce que cette dernière vous avait choisi. Une sensation indéfectible d'être manipulé par une force outrecuidante de supériorité, un destin tissé par les doigts habiles des divinités d'un temps révolu, l'expression du divin dans son plus simple apparat, si subtil que personne ne le remet en cause, si présent qu'on ne peut s'y opposer consciemment. La fatalité la plus dérisoire en soi, nos actes et nos décisions décidant de ce que nous devenons. A moins peut être que l'éducation et les gènes de ses géniteurs aient leur mot à dire dans pareille situation ? Ce n'est sans doutes pas au début d'une vie que l'on peut déterminer avec précision l'envergure d'une loyauté chérie par tout un village, pour sûr.

Il est facile de dire que je suis né par un temps de pluie. La plupart des génies sont accueillis même par les éléments, tant leur venue sur terre était espérée. Mais contrairement à tout ces hâbleurs et matadors, je me souviens parfaitement de cette sensation d'intense brûlure qui envahit mes poumons lorsque je prends pour la première fois une simple bouffée d'air dans cet environnement sordide et immaculé. Une odeur de sang qui marqua de manière indélébile mon esprit comme on marque la peau d'un prisonnier au fer rouge dans les contrées reculées du monde. La douce alchimie de la vie vint alors m'extirper de la brume de ma naissance, alors que j'entendais mon paternel, la mine réjouie, déblatérer un capharnaüm de mots sans la moindre signification. La naissance pouvait être un magnifique événement, mais elle était comme tout : l'avis de l'un n'en fait pas l'avis de l'autre.

J'étais ivre de vie, ivre de savoir et empli d'une conviction propre qui faisait que chaque pas me rapprochait vers le chemin que mon destin me traçait inéluctablement. D'un père cantonné à ses manuscrits de neurologie, fervent défenseur de la foi qu'il plaçait dans le progrès et qu'il protégeait envers et contre tous contre l'obscurantisme le plus ravageur, d'une mère atteinte de paranoïa compulsive suite à quelques missions passées en dehors du village, je baignais dans un perpétuel climat d'insécurité et d'indifférence blessante. Niveau enfance, on ne peut rêver mieux pour l'épanouissement d'une bouille de 5 ans. La folie et le désespoir étaient des germes m'ayant côtoyé, mais qui ne m'atteignirent pas. J'avais beau être capable de compter et lire, les concepts les plus simples comme ceux de vie et de mort m'échappaient tout bonnement, sans doute était-ce là un moyen pour moi d'échapper à un sort tout aussi triste, une protection supplémentaire de mon enfance déjà bien dégarnie en quelque sorte. Chose étonnante, vivre sans réels parents ne sembla pas pour autant perturber mon développement, ce que les psychologues de l'enfance considérèrent comme une forme d'autisme social à mon plus grand dam. Eux ignoraient cependant que j'étais doté de capacités mentales suffisamment grandes pour passer outre quelque chose qui ne m'intéressait tout simplement pas, préférant les relations avec les quelques livres présents qu'avec les autres enfants.

Inconsciemment, je m'isolais dans un univers de fantaisie et de réalité fixé par les grands de ce monde. La bibliothèque de mon habitat ne suffisant rapidement plus, je m'enquérais de rejoindre celle de mon village, toujours aussi soucieux de lire et de satisfaire cette soif inextinguible de savoir, une drogue absorbée en des quantités astronomiques mais jamais suffisantes pour que je puisse lutter contre cette fébrilité grandissante. Et un jour, l'inexorable arriva : tout le savoir, tous les livres qu'il m'était possible de lire dans mon état, je les avais assimilés dans un esprit aussi complexe que repu de sciences et ce dans des domaines divers et variés : ceci allait de l'étude de la psychologie à la physique de masse en passant par la chirurgie, humaine comme animale. Mais ce surplus de connaissances développa chez moi une dépendance. La plus noble qui soit pour autrui, la plus destructrice pour moi-même. Sevré, je me devais de rapidement trouver une solution à mon problème, sans quoi j'allais finir comme ma maternelle, en proie à la folie la plus meurtrière qui soit. Et je savais pertinemment que le seul destin qui m'était alors offert avait des horizons de murs matelassés ; c'est sans doutes ça qui me força à explorer d'autres façons d'appréhender l'érudition : la pratique s'avérait salvatrice pour lutter contre mon addiction.

Mes premières expériences furent -à mon grand dam- de purs échecs. Preuve qu'avoir la science infuse ne favorisait en rien l'application de mes connaissances. Mais je ne perdais pas pour autant espoir, ceci m'inculquant une valeur primordiale, qui me servira sans doute encore dans toute ma carrière de shinobi : la patience. J'avais involontairement trouvé une solution à mon problème, cherchant à parfaire mon expérience tout en ralentissant ma marge de progression, ce afin de pouvoir profiter pleinement de cette sensation unique qui m'était propre. Certains se shootaient aux amphétamines, je préférais quelque chose de plus sain, mais qu'il m'était possible d'obtenir par diverses façons. D'autres voies de la pratique, plus sombres, m'étaient ouvertes mais je ne pouvais me résoudre à risquer ma morale dans une tentative qui pouvait mal se terminer, à plus forte raison lorsque je savais pertinemment que j'avais de fortes lacunes dans l'utilisation de mes deux mains. Vint alors cette occasion que je ne sus refuser tant elle m'ouvrait davantage d'horizons, tous plus intéressants les uns que les autres.

L'académie des ninjas était un endroit parfait pour pouvoir pleinement développer mes talents de malandrin sans attirer la curiosité. En effet, je pouvais facilement prétendre faire cela dans le seul et unique but d'aider mon village, bien que la raison première était principalement liée à un accomplissement personnel et égoïste. Rien qui puisse néanmoins m'être préjudiciable tant je m'efforçais de pratiquer dans l'ombre. Les enseignements shinobis, eux, furent nettement moins faciles à assimiler, la nature complexe et illogique de ces arts se heurtant à mon esprit pratique. J'essayais de comprendre plus que d'assimiler, expérimentant une nouvelle façon de voir les choses du haut de ma quinzaine. Certes cela n'était pas glorifiant pour ma personne, mais je réussissais néanmoins à passer outre les regards de tout ces geignards pour me concentrer davantage sur l'examen genin, que je passai sans grande peine tant j'étais en avance sur les autres.

C'est cette précocité qui me permit d'accomplir beaucoup plus que la plupart de mes compagnons. Ainsi, si d'un côté je parfaisais mes capacités en tant que shinobi, j'arrivais parfaitement à obtenir une multitude de diplômes dans des académies civiles de grand renom, écrasant la concurrence avec une facilité déconcertante et me voyant même octroyer divers surnoms. Je profitais alors de cette marge pour m'intéresser davantage à mon entourage, me rendant alors compte que je détenais alors cette source de savoir inextinguible que je cherchais depuis déjà si longtemps : l'esprit humain, dans sa nature contre-nature, se révélait digne d'intérêt pour peu qu'on savait le manipuler dans des proportions relativement modérées. Une révélation qui me poussa à rattraper le temps perdu, créant des liens, des amitiés, bien que le tout puisse plus se rapprocher de la franche camaraderie que de la fratrie, altruiste dans l'excès. J'avais beau user de mes charmes naturels pour séduire ces demoiselles et ainsi profiter des plaisir de la chair, je n'arrivais pas à nous penser sur un pied d'égalité, me considérant toujours comme légèrement supérieur, une arrogance remarquée qui me gênait dans mes relations les plus intimes. Pouvait-on seulement me reprocher de faire preuve d'hautaineté lorsque l'on avait conscience de mes connaissances ? Le genre humain me répugnait alors de plus en plus, incapable de lutter contre la révulsion qu'il m'inspirait. L'humanité, bien que complexe à mes yeux, ne valait alors plus guère mieux qu'un amas de corps émancipés par des principes et des lois approchant de l'absurde dans de nombreux cas. J'éprouvais un profond dégoût à son encontre et cela allait de mal en pis lorsque je me surprenais à parler à d'autres, soucieux de ne jamais devenir comme ces créatures belligérantes qui invoquaient leurs dieux ou leurs convictions pour justifier leurs actes.

Cette pestilence, le virus de cette planète me força alors à jouer de mon grade dûment gagné pour partir. Ailleurs, là où l'esprit s'engourdissait par un froid mordant et le manque de compagnie. Il me fallait me soigner de ces souvenirs, de ces sourires et de ces joyeux moments passés en compagnie de ceux qui m'appelaient « ami », sans quoi j'allais me sentir sombrer dans les profondeurs nébuleuses de la Folie. Incapable d'oublier, je ne pus cependant que subir le poids de mes propre capacités, ironie du sort parmi les ironies. Les larmes vinrent alors, me forçant à observer ma défaite dans toute sa splendeur : si personne n'avait réussi à faire ployer cet esprit d'acier, j'avais réussi à m'infliger moi-même cette plaie béante dans laquelle s'immisçaient mes peurs, mes regrets et mes hontes. Ces divagations, aussi avilissantes purent-elles être, attirèrent un envoyé de la Fortune, sans doute le seul esprit avec lequel j'aurais apprécier converser en ces temps obscurs. Un démon qui sut profiter de ma faiblesse pour s'introduire dans ma vie et mon âme, me corrompant à un degré qu'il ne m'aurait pas cru possible d'atteindre.

C'était une femme magnifique, redoutable de beauté et dont la chevelure de feu donnait une impression d'embrasement alentours, réchauffant l'atmosphère désolée de ces landes balayées par le blizzard. Elle se présenta de la façon la plus simple qui soit, par son nom. Déjà je me sentais tomber sous ses mimiques aguicheuses, déjà je ne répondais plus de mes actes, bien que totalement témoin de la scène qui se déroulait sous mes yeux.

« Keaton »

Il m'aurait été impossible autrement de rencontrer pareille créature, l'expression même de la femme parfaite à mes yeux : rusée, belle et diablement dangereuse -à moins que mes idéaux féminins n'aient été altérés à l'époque. Une kitsune, ces créatures décrites dans les légendes comme des démons prenant l'apparence de femmes attirantes pour se voir offrir des services et autres plaisirs, avant qu'elles ne se repaissent de la chair de leurs victimes. Qui donc aurait pu croire pareilles insanités une fois cette jeune femme face à lui ? Cette même qui s'approcha de moi, l'air insouciante et le pas léger, avant de poser son index sur ma bouche. Elle se mit alors à me dévisager, ne cherchant pas à dissimuler la curiosité que je lui évoquais. Peut être lui inspirais-je de la pitié, toujours est-il que je pus reprendre pleine possession de mes moyens une fois qu'elle eu terminé de me dévisager. Elle virevolta agilement pour enfin retomber sur trois queue de renard, s'agenouillant à même la neige en m'implorant de jouer aux devinettes. Mon aversion pour l'humanité avait alors laissé place à une interrogation primaire, celle que quiconque aurait put poser dans ma situation : pourquoi ? Cependant, cette question ne se fit pas sentir tant elle fut vite chassée, alors que je m'installais du mieux que je pouvais après avoir accepté son invitation.

S'ensuivirent des années de jeux, de charades et autres divertissements. En échange de bons procédés, Keaton m'aidait à surmonter ce fiel lancinant à l'encontre de l'humanité et moi je me contentais d'épancher sa soif de connaissances. Au fil des jours et des semaines, je reprenais goût à tout, me laissant doucement bercer dans une illusion romanesque d'amour et de bons sentiments. Je réapprenais beaucoup, notamment sur l'humanité ; si mon dégoût de cette dernière n'avait pas disparu pour autant, je savais désormais faire la part des choses, soucieux de rencontrer celles et ceux qui selon moi étaient dignes d'intérêt. C'était d'ailleurs dans cette optique là que je mettais mes talents au service de l'ANBU de mon village, enchainant dès lors les arrestations et la prise d'informations. Plus que tout, je fus reconnu -dans l'unité, certaines choses restent relatives cela dit- comme un brillant psychologue criminel et je mis à contribution mon esprit diablement efficace aux causes qui me tenaient à cœur. L'une d'elle, au grand dam de mes supérieurs et de mes commanditaires, fut celle de m'éclipser quand bon me semblait, ne serait-ce que pour rejoindre les montagnes enneigées où régnait en seule maîtresse Keaton.

Cependant, le fait de jouir d'un caractère surnaturel avait le don d'effrayer quiconque ne pouvait comprendre la nature des choses. Couplé à ça les contes que l'on rapportait, la jeune kitsune fut rapidement prise en chasse. En effet, les êtres qui s'avéraient divergents d'une norme imposée par l'humanité se voyaient impitoyablement chassés, victimes de leur propre différence. J'eus été quémandé pour aider les villageois à passer outre ce « problème » que leur causait mon amour de renard par sa simple présence. Douce ironie que de me voir confier la mort de l'être aimé, je ne pouvais cependant pas me soustraire à mon devoir, pas au point de mettre en péril ma brillante carrière et la vie des pécores alentours. Une pensée rationnelle qui me retourna les viscères en un sursaut inaudible, mais qui ébranla les fondations de mes principes. Il me fallait faire preuve de ruse, il me fallait abuser de la confiance qu'ils plaçaient en moi pour faire ce qu'il aurait été normal de faire. Je laissais alors ma raison de côté, excité à l'idée de pour une fois laisser les choses se faire, d'agir comme ces hommes et ces femmes que je détestais de par leur simplicité d'esprit.

Je m'enquis alors de la rejoindre, cherchant à la prévenir du danger qui la menaçait. Je m'empressai de lui faire part par la même occasion de mon ressentiment vis-à-vis de la situation, lui implorant de se cacher pendant que j'allais faire diversion, chose qu'elle refusa. Les choses se firent alors plus floues, le fruit d'une précipitation et d'un temps impromptu pour les confessions. En effet, elle m'annonça qu'elle vivait dans ces montagnes pour mourir loin de tous, rongée par la maladie et chassée par les siens pour avoir laissé libre cours à ses envies. Dans le même temps, elle me proposait d'habiter en moi, de voir à travers mes yeux et de vivre en moi pour se voir offrir la vision du monde qu'elle avait toujours souhaité. Et, dans un sursaut d'altruisme que je ne saurais m'expliquer tant l'idée de me voir dénaturer m'horrifiait au plus haut point -à moins qu'à ce moment elle n'ait usé de ses charmes- je me voyais accepter sans que le doute n'ait le temps de poindre dans mon esprit. Elle m'embrassait alors, s'immisçant peu à peu telle une traînée de poudre dans ma gorge, ne laissant dès lors plus qu'un collier de bronze derrière elle, seul témoin de son existence sur terre. Ne me restait plus qu'à utiliser quelques mots habilement choisis pour expliquer la situation aux villageois, alors ravis de se voir débarrassés de l'abomination qu'elle représentait à leurs yeux.